« Remettre l'humain au cœur des entreprises » : par où commencer ?
- Adrien Degouve

- 10 nov. 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 janv. 2024
Dans les bouches des dirigeant·e·s, l'humain semble être une priorité. Pourtant, dans leurs agendas, les points consacrés aux équipes restent isolés, et dans les conseils d'administration, les discussions portent en priorité sur les résultats financiers et sur le contexte marché.
Alors « remettre l'humain au cœur des organisations » est-il condamné à être un vœux pieux ? Sinon, par où commencer pour en faire une réalité ?
L'écoute comme pilier
Selon moi, la réponse à cette dernière question tient en un mot : écouter.
Cela peut sembler être une banalité. Mais dans les univers tournés vers l'action que sont les entreprises, les temps d'écoute sont rares et la capacité à écouter réellement les gens n'est quasiment jamais cultivée.
Voici quelques exemples de situations où écouter me semble pourtant particulièrement utile.
Un nouveau départ
Lorsque l'on arrive dans un nouvel univers professionnel (un nouveau poste ou une nouvelle entreprise), la quantité d'informations à assimiler et de tâches à accomplir peut sembler très élevée. Face à cette immensité, la tentation peut être forte de se réfugier dans l'action et de s'empresser de produire (des documents, des résultats) pour prouver sa valeur.
Pourtant, prendre un temps d'échange où l'on écoute réellement les gens – sans forcément préparer le coup d'après – est souvent préférable. Cela permet en effet de comprendre les enjeux sous-jacents, les jeux de pouvoir, les nœuds à démêler et les leviers à activer. Cela permet aussi et surtout de nouer des liens et d'identifier les personnes qui deviendront des points d'appui par la suite.
Je participais récemment à une conférence sur la reprise de PME. Les repreneur·euse·s aguerri·e·s étaient formel·le·s : dans les premières semaines qui suivent la reprise, la priorité des priorités, avant même d'aller à la rencontre des clients et des autres partenaires, est d'échanger avec l'ensemble des équipes.
Le rôle des manager·euse·s
Ecouter une personne de son équipe sans l'interrompre ni réfléchir en même temps aux solutions à mettre en place, l'écouter vraiment en somme : pour un·e manager·euse, l'exercice est tout sauf aisé. Tout de suite, il ou elle est tenté de penser en termes de mesures correctrices et de plan d'action.
En faisant cela, il ou elle risque de ne pas laisser l'espace à la personne pour évoquer ce qu'il ou elle a derrière la tête, et ainsi de passer à côté d'éléments importants pour comprendre la situation et lui venir en aide.
Les moments compliqués
Lorsque des tensions apparaissent (autour des résultats ou des conditions de travail par exemple), il est tentant de rejeter la faute sur l'autre, d'y voir la cause derrière ses problèmes. Les tensions se cristallisent alors dans les relations interpersonnelles. Les jugements font leur apparition et les noms d'oiseaux jaillissent (« Untel est un enf**** ! », « Machin est un bra***** ! », « Machine est une cas**-******* ! »).
Pourtant, écouter la vision singulière d'untel, de machin et de machine sur le problème – en tâchant d'y projeter un minimum son interprétation – peut se révéler salvateur. Surprise : non seulement, ils et elles ont des choses à dire, mais s'ouvrir à leurs points de vue permet de voir le problème différemment et permettra peut-être même de sortir de l'impasse.
Mais si écouter est si utile, alors pourquoi est-ce si peu fréquent dans les entreprises ?
L'origine du mal
En s'interrogeant sur les racines de l'incapacité à écouter, on pourrait penser au modèle patriarcal classique qui imprègne encore très largement le monde des organisations (« Je parle, tu écoutes. Et tu obéis. »). On remonterait sûrement aussi à la prépondérance des chiffres dans les rapports sociaux comme matrice de fonctionnement et vecteur d'efficacité. On pourrait sans doute également relier cela au phénomène généralisé et bien documenté de réduction de nos capacités d'attention.
La liste n'est pas exhaustive, mais une chose est sûre : écouter chacun·e – peu importe où se situe l'interlocuteur·rice dans l'organigramme – est rarement perçu comme une occasion d'apprendre et de grandir.
Quelques clés
Si vous souhaitez faire partie de celles et ceux qui font exception, je vous invite à découvrir :
le retour d'expérience de Matthieu Birach (Chief People Officer de Doctolib) sur l'importance cruciale de l'écoute active ;
le témoignage de Valérie Flores-Rodriguez sur l'écoute profonde facilitée ;
les techniques et les exemples de Pierre Blanc-Sahnoun pour poser des questions puissantes.
Le mot de la fin
Ce constat n'est pas une fatalité. La prochaine fois que vous voudrez demander à quelqu'un de remplir un beau tableau avec des chiffres rassurants, demandez-vous s'il ne serait pas plus utile de lui demander de vous raconter comment il ou elle a vécu les choses et ce qu'il ou elle a appris.
Si elle n'est, à mon sens, pas assez généralisée dans les entreprises, l'écoute est le fondement de mes interventions dans les organisations.
Quel que soit l'objectif visé – réagir à une situation donnée, consolider des acquis, se projeter sur autre chose –, écouter le ressenti et les envies de chacune des personnes concernées est une étape clé pour y parvenir.
>>> Si ces sujets vous intéressent, je serais ravi d'en discuter : adrien@enperspective.eu